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humeur

bite
à propos de l'installation Tree de l'artiste Paul McCarthy, Paris (2014)

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D’après le petit Robert et le grand Larousse, bite signifie dans le langage populaire et familier pénis, tout comme zizi, pistouflette, merguez, gourdin, mandrin, zboub, kiki, braquemard ou bistouquette. En anglais, cet homographe prononcé [bait] signifie mordre ou piquer. Une racine commune semble d’ailleurs les lier tous deux, passons.

 

En toute honnêteté, à quel mot avez-vous pensé en premier ? Qu’est-ce qui vous a poussé à lire cet article ? Peut-être la possibilité d’un contenu un peu cochon, de mots salaces qui pourraient vous choquer, vous titiller, vous exciter un peu, parce que vous êtes au bureau et que vous vous ennuyez à crever, que vous avez besoin d’une petite excitation, d’un truc qui vous fera rougir, un besoin de lire le texte en cachette, de l’emmener ailleurs dans un endroit perso pour bien profiter de chaque mot, de chaque ligne qui pourrait faire glisser un peu de sueur sur votre front ou dans le dos, un texte qui pourrait vous faire envoyer un texto, un sexto, un twitt aux autres pour faire monter un peu la sauce, déclencher une réaction, du mouvement autour de ce petit texte honteux qui a provoqué un petit sentiment honteux de mateur lubrique.

 

Du cul. Voilà ce qui anime, le cul. Voilà ce qui provoque, encore, toujours, depuis le premier phallus peint, la première chatte peinte, jusqu’au dernier micro pénis monumental de McCarthy, vert, la petite vérole sans doute. C’était un sapin en fait, ou pas. Mais tout le monde a su tout de suite que c’était un plug anal. Plug anal. Il faut le savoir quand même, une prise anale. C’est pas banal, pas un objet du quotidien je veux dire, on ne se dit pas le soir en rentrant, tiens ! je vais me brancher sur une prise anale pour recharger mes batteries, après on ira dîner, chéri(e) – ben oui maintenant on va dîner après. Ce n’est pas une image que l’on trouve dans la presse quotidienne, une pub pour une boîte qui vend des plugs anaux dans les pages du Monde ou du Figaro, entre une analyse des relations franco-allemandes et un article sur l’inauguration de la Fondation Vuitton. Non. Ni même dans les magazines, rien dans les pages de Elle, les pages de Lui, de celles de Maison et Travaux, de Causette. Le plug anal ne fait donc pas partie d’une imagerie quotidienne archivée et répertoriée dans la presse vendue dans les librairies bien sous tout rapport. Quelle conclusion peut-on en faire ? J’aimerais vous laisser deviner mais peut-être avez-vous déjà tiré vos conclusions. Si l’on connaît cet objet utile, visiblement design voire artistique, c’est que l’objet existe déjà chez nous, dans notre entourage, on-en-a-entendu-parler, c’est parce qu’on l’a bien cherché, parce qu’on l’a mérité !, parce qu’il y a une littérature qui fourmille d’idées originales pour combler notre libido, pour stimuler notre mojo, pour découvrir notre corps et ses mystères enfouis. Et il n’y a rien de honteux à se faire du bien. Au contraire, ça devrait faire partie d’une pratique quotidienne, comme manger cinq fruits et légumes par jour, on devrait aujourd’hui en parler sans rougir, mais c’est toujours un peu la question tabou malgré tout.  D’où les vagues de protestation lorsqu’on érige un phallus vert sur la place des Vosges – attends, hey ! un lieu historique et respectable – mais peut-être était-ce à cause de sa couleur ? Ou un vagin béant à Versailles – okay ! on ne touche pas à la chatte à la reine. Mais ce n’est qu’un animal à poil ! Les discours sont tous axés sur la vision première, primaire, primale du caractère sexuel associé à ces œuvres. Est-ce réellement le reflet de nos sociétés ? Cocasse hybridation entre une époque médiévale à la cour du Roi, des bouffons, des putes et des orgies et un conservatisme bien pensant à la popularité croissante. (Si seulement c’était une idée neuve…)

 

Donc il n’y a pas que ça. Et de très loin. Il y a la beauté aussi. On la voit, elle est là.

En somme ce n’est pas le plug anal qui importe, peut-être même pas son installation sur une place mythique pendant un événement mondial par de jeunes fous avides, c’est le regard que nous posons sur les objets, sur les œuvres, sur notre environnement ; C’est l’imagerie que nous avons enregistré dans nos têtes, fait pénétré dans notre mémoire qui créé notre regard, c’est la culture que nous avons qui fournit l’analyse. C’est aussi la question du choix, qu’est-ce que je préfère voir ? De la pression sociale, quelle vision sera la mieux vue? En vue, en vogue, enlisés. Créons notre propre regard, améliorons-le, enrichissons-le, ouvrons-le, offrons-le. Prenons ce risque. 

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